Gonçalo Duarte – Hiéroglyphes modernes
28.03 — 19.04.2025

Gonçalo Duarte (1935 – 1986) appartient à cette génération d’artistes portugais dont le destin a été marqué par la dictature et l’exil. Comme nombre de ses compatriotes, il éprouve très tôt le désir de fuir une péninsule ibérique alors peu propice à l’épanouissement des idées nouvelles.
Après avoir étudié aux Beaux-Arts de Lisbonne, Duarte quitte ainsi le Portugal en 1955 pour poursuivre sa formation à Munich, avec Lourdes Castro et René Bertholo. On le retrouve deux ans plus tard à Paris, où il s’installe définitivement en 1959, grâce à l’obtention de la bourse Gulbenkian et au soutien de ses amis Arpad Szenes et Maria Helena Vieira da Silva. Lorsqu’il reviendra à Lisbonne, brièvement, pour exposer son travail, il avouera s’y sentir « dépaysé et plongé dans une énorme solitude » (lettre à Imre Pán datée du 13 avril 1964).
À Paris, Duarte devient un membre central du groupe KWY, auquel Abraham & Wolff a consacré une exposition en octobre 2024 (Autour de KWY : 1958 – 1964, commissariat Anne Bonnin). Initié par Lourdes Castro et René Bertholo, KWY réunit de jeunes artistes en exil : les portugais António Costa Pinheiro, José Escada, João Vieira et Gonçalo Duarte, le bulgare Christo et l’allemand Jan Voss. Ensemble ils animent la revue du même nom, objet d’art composite fait de sérigraphies originales, de photomontages, de collages, de cartes postales, de poèmes, de textes théoriques. Les contributions de Duarte se présentent sous forme de sérigraphies qui témoignent de son intérêt pour l’abstraction informelle et lyrique.
C’est à partir de 1963 que l’artiste entame une importante série de toiles et de dessins figuratifs d’inspiration surréaliste. Il y déploie un répertoire de motifs obsédants composé de serpents, d’œufs, de cheminées fumantes, de corps en mutation et de figures féminines, de cubes et de pyramides, de vaisseaux spatiaux ou maritimes. Tous ces éléments, tous ces symboles s’entrechoquent pour former des rébus dont la solution se dérobe, comme dans un rêve. L’artiste l’écrit lui-même : « Peindre ou dessiner, c’est concrétiser, pas à pas, une rêverie ». Des rêveries qui feront dire au critique et intellectuel hongrois Imre Pán, dont l’intérêt pour KWY s’est manifesté à travers plusieurs éditions dédiées aux membres du groupe, que Duarte « transforme les moindres signes de la vie, les éléments vitaux, les idées, les gestes, en hiéroglyphes modernes. […] Il est à la fois jongleur et architecte : ses accessoires, une fois jetés, s’arrêtent dans l’air et s’élèvent en un édifice étrange. On a l’impression que Gonçalo construit une nouvelle tour de Babel où tout le monde parle la même langue. » (Imre Pán, Morphèmes, Paris, 1968).
Abraham & Wolff a le plaisir d’exposer un ensemble inédit de dessins de Gonçalo Duarte couvrant une période allant de 1961 à 1981. Hyéroglyphes modernes permet ainsi d’appréhender l’évolution de l’artiste, de l’abstraction vers ces compositions oniriques très personnelles.
Nous tenons à remercier chaleureusement Garance Duarte pour nous avoir ouvert les archives de son père, ainsi que Sophie Pán pour son généreux concours.






