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William Anastasi
William Anastasi (né en 1933) a bâti une œuvre fondamentale pour la formation de l’art conceptuel, tout en demeurant une figure à part de ce mouvement. De 1963 à nos jours, il a élaboré de multiples protocoles de dessins à l’aveugle : les Blind Drawings ou Unsighted Drawings. Aussi divers soient-ils, ces protocoles poursuivent un but unique : permettre à l’artiste de se soustraire à toute technique artistique, à toute référence esthétique et, si possible, à sa propre conscience.
Chacun de ces protocoles vise à automatiser plus ou moins rigoureusement le geste de l’artiste. En témoigne la série des Walking Drawings, qui compte parmi les premiers travaux de l’artiste dans ce domaine. Elle fut initiée à Philadelphie au début des années 60, avant qu’Anastasi ne déménage pour New York où il réside depuis. La réalisation de chaque Walking Drawing obéit au protocole suivant : dans une main l’artiste tient un bloc-note, dans l’autre un stylo, un feutre de couleur, un crayon, etc., dont la pointe est en contact avec le papier. L’artiste se rend en marchant vers une destination choisie puis revient à son point de départ sans regarder la feuille. Pareille à un sismographe, la main qui tient le stylo enregistre les mouvements du corps en marche pendant toute la durée du trajet. Fruit de ce seul mouvement, c’est à dire d’une énergie extérieure, le dessin obtenu n’est le reflet d’aucun préjugé esthétique, d’aucun projet conscient. Il n’illustre plus que son propre processus de création, ainsi que le temps et l’espace dans lesquels il fut exécuté.
Dans ses Burst Drawings, Anastasi trace des lignes en partant du centre d’une grande feuille de papier fixée au mur. Debout devant celle-ci, les yeux bandés, Anastasi tient un morceau de craie grasse dans son bras tendu et s’éloigne du centre. L’étirement de la ligne est limité à la portée de son bras et s’étend dans toutes les directions. La compression des lignes qui en résulte ressemble à une explosion.
La série des Blind Self Portraits est réalisée sans miroir, les yeux fermés, simplement de mémoire. Ces autoportraits à l’aveugle ne donnent accès à aucune intériorité, à aucune réalité. Ils n’expriment plus que le non-sens du hasard qui présida à leur création, la distance qui les sépare de leur modèle, débouchant ainsi sur une critique de la représentation. La nature automatique, répétitive, objective de ce procédé est ici mise en valeur par les nombreuses réitérations du dessin au crayon et au stylo.
Bruno Botella
Bruno Botella (né en 1976) poursuit depuis plusieurs années une oeuvre expérimentale qui se caractérise par un processus de création affranchi des suggestions de la conscience. Pour se départir de cette dernière, l’artiste réalise notamment des sculptures dans des caissons qui lui rendent invisible son travail, en même temps qu’il recourt à des matériaux insolites tels qu’une argile anesthésiante ou du qotrob, une pâte à modeler hallucinogène qui, en pénétrant par les pores de la peau, plonge le sculpteur dans un état second. Il en résulte d’étonnants objets où la conscience de l’artiste se retire tandis que son corps s’engage et se risque.
Parallèlement à ces expérimentations plastiques et sensorielles, Botella cultive une pratique du dessin originale. Réalisés à Kyoto où il réside désormais, ces dessins sont la continuation d’une longue recherche entamée avec les premiers dessins animés que l’artiste réalisa au sortir des Beaux-Arts de Paris. Même si son travail témoigne de nombreuses références, Botella s’efforce de rendre son geste le plus libre possible, laissant aller son pinceau à calligraphie sur la feuille pour faire émerger, selon ses propres mots, une « image inattendue et étrange comme une hallucination ».