Archives : expositions
les expositions
Francisco Tropa et Oswald Oberhuber
Francisco Tropa (né en 1968) est le créateur d’un univers à part se déployant à travers des installations complexes qui évoquent des thèmes comme le corps en mouvement, le temps, la mort, le jeu ou l’archéologie. Ces installations sont formées d’objets mystérieux que l’artiste élabore au carrefour de multiples références artistiques, historiques, littéraires ou philosophiques, qui alimentent une réflexion originale tournée vers les problématiques qui traversent l’histoire de la sculpture de l’Antiquité à nos jours. Joignant pensée conceptuelle et savoir-faire traditionnel, les créations de Francisco Tropa mettent en œuvre un large éventail de médiums et de techniques allant de l’horlogerie à la fonderie, du verre soufflé à la vidéo, en passant par la peinture et les divers procédés d’impression et de gravure.
Pour cette exposition, Abraham & Wolff propose, au côté d’une sculpture d’Oswald Oberhuber, ces objets constitués d’une boite noire contenant deux sculptures reposant sur un lit de papier découpé. Elles appartiennent à une série intitulée Pantheon, qui fut inspirée à Tropa par le célèbre Bouvard et Pécuchet de Flaubert. A partir du titre du roman, l’artiste a imaginé un jeu humoristique sur le nom des écrivains qu’il apprécie. James & Joyce, Gertrude & Stein, Raymond & Roussel, Lewis & Carroll, William & Falkner, Clarice & Lispector, chaque auteur de ce panthéon littéraire voit son patronyme changé en un couple de personnages incarnés par deux sculptures modernistes de sardines réalisées par tournage dans une résine ultrarésistante. Comme d’autres œuvres de Tropa, ces sardines s’offrent à la manipulation, à divers modes d’exposition. Elles peuvent demeurer couchées sur leur litière de papiers découpés dans les pages d’un livre, être extraites ensemble ou séparément afin d’être exposées debout, etc. Libre à l’utilisateur de s’en emparer.
Oswald Oberhuber
Artiste autrichien, Oswald Oberhuber (1931-2020) trouve ses premières inspirations dans le mouvement d’après-guerre de l’art informel. Il réalise des sculptures en plâtre et en bronze qui interprètent en trois dimensions cette nouvelle peinture prônant l’expressivité de la matière et la spontanéité du geste. Empruntant à Léon Trotski le concept de « révolution permanente », l’artiste déclare en 1956 que l’absence de forme est la maxime générale de sa pratique artistique, ainsi qu’une attitude face à la vie. Il fait alors du « changement permanent » le mot d’ordre de sa négation des normes esthétiques et sociales. De cette manière, son œuvre rebelle s’ouvre à des transformations récurrentes tout au long de sa carrière, s’emparant de tous les mediums et passant d’un style à l’autre : conceptualisme, réalisme, peintures d’influence Pop, assemblage et collage, affiches politiques. En tant que galeriste et organisateur d’expositions, Oberhuber a mené plus de 600 projets, dont certains ont suscité d’importantes innovations dans l’art contemporain autrichien. Longtemps professeur et recteur de l’université des arts appliqués de Vienne, il a également exercé une influence sur les politiques culturelles et éducatives de son pays, façonnant les conduites artistiques de plusieurs générations.
Oswald Oberhuber a représenté l’Autriche à la Biennale de Venise en 1972 et a participé à la Documenta 6 (1977), à la Documenta 7 (1982) et à la Biennale de São Paulo (1983).
Pour ce nouvel accrochage, Abraham&Wolff expose en collaboration avec la galerie KOW (Berlin) une sculpture intitulée Stapel, et un dessin de nu qui témoignent de cette démarche libre et anarchiste.
Isa Melsheimer et Alfredo Barbini
L’artiste berlinoise Isa Melsheimer (née en 1968) élabore depuis plusieurs années une œuvre complexe qui met en question les interactions entre l’humanité et le monde végétal et animal, en explorant les expressions architecturales et environnementales de ces interactions.
Puisant dans l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme des références allant de l’utopie urbaine de Le Corbusier aux réflexions du mouvement métaboliste en passant par les constructions abandonnées, elle réalise notamment des sculptures qui mêlent béton, céramique et verre pour former des architectures miniatures où la matière inerte des matériaux de construction se trouve envahie, parasitée, phagocytée par des formes de vie primaires ou des végétaux qui semblent reprendre leur droit sur ces bâtiments. A la manière des récits de science-fiction qui inspirent également l’artiste, ces sculptures nous offrent une vision inquiétante de l’avenir où se pose la question de notre durabilité, de notre survie à l’ère du capitalisme et de la fin des utopies.
Parallèlement à ce travail sculpté, Isa Melsheimer élabore des œuvres à base de textiles, des mondes botaniques s’épanouissant dans des boites en verre, mais aussi des dessins à la gouache qui poursuivent cette réflexion sur l’interaction métabolique entre nature et humanité.
La vitrine de la galerie accueille une sélection de dessins représentant des édifices modernistes désertés, autour desquels errent parfois des animaux sauvages. Des représentations qui nous invitent à réfléchir sans didactisme sur notre rapport à l’espace habitable, la place que nous y occupons et celle que nous laissons au reste du vivant. Ils voisinent avec des céramiques emmaillées issues de la série Bacteria, petits objets ayant la forme de masses buboniques qui évoquent des organismes infectés par un virus.
Ces œuvres sont exposées au côté d’un ensemble de vases cubiques du maitre verrier Alfredo Barbini (1912-2007), technicien hors pair et designer inspiré, grande figure du Murano d’après-guerre, deux fois récompensé à la biennale de Venise pour ses sculptures en verre, ainsi que d’une lampe imaginée par le designer italien Paolo Tilche (1925-2003) à partir de ce vase cubique emblématique. Ces pièces de design sont proposées en collaboration avec la galerie Compasso de Milan.
Laura Lamiel et Franz Erhard Walther
Artiste française majeure, Laura Lamiel (née en 1948) a bâti au fil des décennies une identité artistique tout à fait singulière, nourrie par la psychanalyse et par une certaine cosmologie spirituelle. Après avoir consacré les premières années de sa réflexion plastique à la peinture, l’artiste a développé à partir des années 1990 des installations qui se présentent sous forme d’espaces délimités – les cellules – à l’intérieur desquels elle agence des meubles, des objets trouvés, des documents, des accessoires personnels. Elle crée ainsi des univers intimes et énigmatiques au seuil desquels le spectateur est invité à se tenir. Ce dispositif, Laura Lamiel n’a eu de cesse d’en explorer les possibilités. Aux espaces faits d’émail blanc et de surfaces métalliques immaculées sont venus s’ajouter des tables de travail, des cellules ouvertes dans le sol, des miroirs sans tain, des jeux de lumière toujours plus complexes, tandis que s’est amplifiée la charge biographique et affective des matériaux entrant dans la composition de ces installations.
La galerie Abraham&Wolff propose d’explorer une autre facette de cette œuvre exigeante en exposant avec la collaboration de la galerie Marcelle Alix une série de dessins de l’artiste. Ces dessins, Laura Lamiel les décrit comme une expression spontanée trouvant son origine dans les éléments fondamentaux de son travail. Loin de constituer une pratique parallèle, ils font partie intégrante de certaines installations où ils sont mis en tension avec d’autres objets. Elle y élabore un vocabulaire impulsif constitué de langues, de rhizomes, de poumons, d’yeux ou de têtes qui expriment un certain rapport à la violence et à soi.
En témoigne cette œuvre, représentant une main, réalisée à l’encre de chine rouge, issue de la série Territoires intimes. Elle sera exposée au côté d’un dessin plus conceptuel intitulé 3 ans, 3 mois, 3 jours, qui repose sur l’hypothèse d’un univers construit par des sons méditatifs. Deux approches représentatives d’une œuvre qui se veut sensible et mentale à la fois.
Ces dessins seront mis en regard de l’Element n°7 de 1. Werksatz intitulé Feld und Teilung (Champ et Division), de l’artiste allemand Franz Erhard Walther (né en 1939).
Franz Erhard Walther
Pour sa première exposition, Abraham & Wolff mettra en valeur le travail de l’artiste allemand Franz Erhard Walther (né en 1939). Créateur d’une œuvre fondamentale à la croisée du minimalisme et du conceptualisme, Walther a révolutionné l’approche traditionnelle de la sculpture en introduisant dans sa pratique une dimension participative.
Au début des années 60, alors qu’il cherchait à s’affranchir des matériaux traditionnels à disposition du sculpteur, l’artiste se tourna vers le tissu cousu suite à une visite du magasin de couture des parents de sa première épouse, Johanna Frieß. Élaborée entre 1963 et 1969 avec le concours de Johanna, son œuvre majeure, 1. Werksatz, est ainsi composée de 58 objets en tissu conçus pour être manipulés par des spectateurs devenus des utilisateurs.
De cet ensemble exceptionnel, Abraham & Wolff propose l’élément n°7, Feld und Teilung (Field and Division). Composé d’une pièce en tissu noir rembourrée et d’une corde mesurant approximativement 100 m de long, cet objet exige une utilisation en extérieur. À travers sa manipulation, ses deux utilisateurs sont invités à expérimenter de nouvelles interactions, de nouvelles sensations, à prendre conscience du temps et de l’espace dans lesquels s’inscrit l’activation, à établir en somme une autre forme de relation avec autrui et avec le monde réel.
Lorsqu’ils ne s’offrent pas au spectateur pour être manipulés, les éléments composant 1. Werksatz sont le plus souvent exposés sous leur forme stockée, leur lagerform, c’est à dire pliés et rangés dans une poche de protection dédiée. Exposé de la sorte, Feld und Teilung (Field and Division) se présente en tant qu’objet visible seulement. Il ne requière plus une activation physique mais une expérimentation mentale.
Fait rare, cette oeuvre est présentée en même temps qu’un « dessin opératoire » qui explicite son protocole d’activation sous forme de storyboard détaillé. Ces deux œuvres seront exposées au côté d’une photographie de l’artiste témoignant de ses premières réflexions sur l’oeuvre d’art pensée comme action.